L’entrepreneuriat féminin : moteur économique et social d’envergure
De plus en plus important pour l’économie mondiale, l’entrepreneuriat mené par des femmes attire non seulement l’attention des spécialistes, mais également le soutien économique des gouvernements. Au Canada, la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat avec près de 7 milliards de dollars en investissements cherche à favoriser la participation pleine et égale des femmes à l’économie, et au Québec, 21,7 millions de dollars sont investis afin d’accompagner et de financer 15 000 femmes entrepreneures pendant une période de 5 ans.
Ce sont tous des efforts pour soutenir la femme entrepreneure, définie par la théoricienne Dina Lavoie, dans le cadre d’une étude sur l’entrepreneuriat féminin au Canada en 1988, comme : « la femme qui, seule ou avec un ou des partenaire(s), a fondé, acheté ou accepté en héritage une entreprise, qui assume tous les risques et responsabilités financières, administratives et sociales et qui participe quotidiennement à sa gestion courante[1] ». Des initiatives encore insuffisantes, puisque les hommes représentent aujourd’hui environ 2/3 des entrepreneurs dans le monde[2] !
L’entrepreneuriat des femmes en quelques chiffres
Selon les dernières données publiées par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE), 18 %[3] des entreprises du Canada appartiennent majoritairement à des femmes. Elles constituent ainsi une force économique qui contribue directement au développement social et durable, ainsi qu’à l’innovation canadienne.
Notons que ce chiffre doublerait si l’on comptait les compagnies dont le 50 % est détenu par une femme. Et selon le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) dans son rapport 2021/22 sur les femmes entrepreneures[4], celles-ci représentent un entrepreneur sur trois dans le monde proposant des innovations sur les marchés nationaux et internationaux.
D’ailleurs, cela n’inclut pas les travailleuses autonomes, dont le nombre va à nouveau en augmentation, malgré les conséquences négatives de la pandémie. Actuellement, ce sont presque un million de travailleuses autonomes au Canada[5]. Au Québec, 37 % de travailleurs autonomes en 2021 étaient des femmes[6].
« [Les travailleuses autonomes] sont des entrepreneures à part entière […] et ont un impact sociétal extrêmement important », déclare Christina Constantinidis, professeure à ESG-UQAM et fondatrice de l’Observatoire entrepreneuriat et genre. « Ces femmes sont d’ailleurs souvent surprises d’être considérées comme des entrepreneures : pourtant, même sans employés, celles-ci assument 100 % des risques financiers, créent leur activité et sont entièrement responsables de leur business.[7] »
Caractéristiques de l’entrepreneuriat féminin
- Secteurs d’activité
Selon le (GEM), globalement les femmes[8] sont plus présentes dans le secteur du commerce de gros et de détail (presque 50 % des entrepreneures dans le monde) et dans le secteur de l’administration, de la santé, de l’éducation et des services sociaux (18,5 % des femmes contre 10,1 % des hommes), ce qui met en évidence des différences importantes entre les femmes et les hommes en entrepreneuriat, ainsi qu’un système qui « pousse » les femmes vers des domaines correspondant aux rôles traditionnellement féminins.
De son côté, au Canada, et selon des données récentes de Statistique Canada, les femmes entrepreneures sont plus nombreuses dans les secteurs des services professionnels, scientifiques et techniques ; du commerce de détail ; et des services d’hébergement et de restauration.
- Qualités propres au leadership féminin
Beaucoup s’entendent pour dire que l’entrepreneuriat féminin bénéficie d’un leadership propre aux femmes, caractérisé par :
- L’intuition ;
- La capacité à gérer plusieurs projets à la fois (côté multitâche) ;
- L’empathie et la communication ;
- La coopération entre femmes (au Québec par exemple, le Réseau des Femmes d’affaires du Québec — RFAQ — soutient depuis 40 ans les femmes d’affaires d’ici grâce à l’entraide).
D’autres caractéristiques, même si elles ne sont pas considérées comme étant davantage féminines, sont très présentes dans leur style de direction et portent des fruits intéressants pour le développement sociétal et d’affaires au Canada. Par exemple, l’étude du GEM souligne leur propension à créer de nouvelles combinaisons de produits et de marchés et leur capacité d’innovation importante.
D’ailleurs, selon l’étude État des lieux de l’entrepreneuriat au féminin réalisée par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE), les entreprises au leadership féminin se caractérisent pour offrir plus d’opportunités aux groupes en quête d’équité comme les autochtones et les membres de la communauté LGBTQ2S+, entre autres.
- Motivations
Le désir de « faire une différence dans le monde[9] » est une motivation plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (70,7 % contre 64,8 %) pour se lancer en affaires, que ce soient les Américaines, les Européennes ou les Canadiennes. De ce fait, le développement durable et l’entrepreneuriat à vocation sociale sont plus souvent placés avant le rendement financier et l’optimisation des bénéfices par les femmes en entrepreneuriat.
Selon le GEM, une motivation importante des entrepreneures est le bien-être familial, car il n’est pas rare que la majorité d’entre elles réinvestissent 90 % de leurs profits pour l’éducation, la santé et la nutrition de leur famille (contre 30 ou 40 % pour les hommes), ce qui contribue à la prospérité générale.
Entre autres, les femmes trouvent dans l’entrepreneuriat une source d’émancipation et d’autonomie, et une façon de mieux équilibrer travail et vie personnelle.
Des défis auxquels font face les femmes en entrepreneuriat
Défis internes
D’après les données du GEM, on pourrait conclure que les femmes sont, en général, plus prudentes et exigeantes envers elles-mêmes que leurs homologues masculins puisque :
- Elles demandent moins de financement que les hommes (investissement inférieur) ;
- Elles sont plus enclines à croire ne pas avoir les compétences nécessaires pour démarrer une entreprise ;
- D’ailleurs, elles sont aussi plus fréquemment touchées par le syndrome de l’imposteur.
Défis externes
- « Les études révèlent que les femmes rencontrent des obstacles et sont victimes de préjugés et de microagressions, voire de harcèlement, à chaque étape de leur parcours entrepreneurial[10] » ;
- Elles ont moins d’accès au financement entrepreneurial, ce qui pourrait expliquer pourquoi le taux de survie des PME détenues majoritairement par des hommes est supérieur à celui des PME majoritairement détenues par des femmes.
La femme entrepreneure au sein du FEMontérégie
Notre organisme, le Fonds d’Emprunt Montérégie, est engagé avec le succès de femmes d’affaires de la Montérégie et les chiffres le démontrent : 70 % de notre clientèle est composée par des femmes ! La plupart sont mères et entrepreneures, certaines se sont lancées en affaires en solo ; d’autres détiennent 50 % de leur compagnie (souvent en couple).
En plus du financement et de l’accompagnement de proximité habituellement offerts, nous avons un nouveau fonds exclusif pour les femmes ! Il est possible grâce au soutien du gouvernement du Canada et au partenariat noué entre Evol, Entreprendre Ici et notre organisme.
Le Fonds de prêts pour les femmes en entrepreneuriat nous permet d’offrir jusqu’à 20 000 $ en forme de prêt pouvant aller jusqu’à 5 ans et un accompagnement de proximité de qualité, qui s’insère dans l’écosystème régional.
Finissons donc ce mois de mai en soulignant l’importance de l’entrepreneuriat féminin dans le développement social et économique de notre province. Si vous êtes une femme de la Montérégie qui désire se lancer en affaires et a besoin de soutien, contactez-nous sans tarder !
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[1] CONSTANTINIDIS Christina, « Femmes entrepreneures », dans : Pierre-Marie Chauvin éd., Dictionnaire sociologique de l’entrepreneuriat. Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, p. 287-300. DOI : 10.3917/scpo.chauv.2015.01.0287. URL : https://www.cairn.info/dictionnaire-sociologique-de-l-entrepreneuriat–9782724616408-page-287.htm
[2] LEBèGUE Typhaine, CONSTANTINIDIS Christina, « Chapitre 21. L’entrepreneuriat féminin », dans : Frank Janssen éd., Entreprendre. Une introduction à l’entrepreneuriat. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, « Petites Entreprises & Entrepreneuriat », 2016, p. 395-415. DOI : 10.3917/dbu.janss.2016.01.0395. URL : https://www.cairn.info/entreprendre–9782804192426-page-395.htm
[3] État des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada, 2023, Aperçu de la recherche, p. 3. Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat https://wekh.ca/wp-content/uploads/2023/03/Etat-des-lieux-de-l-entrepreneuriat-feminin-au-Canada-2023-apercu-de-la-recherche.pdf
[4] GEM 2021/22 Women’s Entrepreneurship Report: From Crisis to Opportunity, p. 15. https://www.gemconsortium.org/report/gem-202122-womens-entrepreneurship-report-from-crisis-to-opportunity
[5] État des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada, 2023, Aperçu de la recherche, p. 3. Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat https://wekh.ca/wp-content/uploads/2023/03/Etat-des-lieux-de-l-entrepreneuriat-feminin-au-Canada-2023-apercu-de-la-recherche.pdf
[6] https://www.ledevoir.com/societe/757714/entrepreneuriat-au-feminin-une-croissance-continue-des-defis-qui-demeurent
[7] Ibid.
[8] GEM 2021/22 Women’s Entrepreneurship Report: From Crisis to Opportunity, p. 15. https://www.gemconsortium.org/report/gem-202122-womens-entrepreneurship-report-from-crisis-to-opportunity
[9] Ibid, page 111.
[10] État des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada, 2023, Aperçu de la recherche, p. 13. Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat https://wekh.ca/wp-content/uploads/2023/03/The-State-of-Womens-Entrepreneurship-in-Canada-2023-Research-Preview.pdf