Novembre est un mois spécial pour notre organisme et pour notre réseau ! Au Québec, nous célébrons non seulement le Mois de l’entrepreneuriat, mais aussi le Mois de l’économie sociale. Nous avons alors décidé de nous pencher sur le sujet des entreprises d’économie sociale, qui jouent un rôle essentiel dans la santé économique et sociale de notre société.
Pour y voir clair, nous avons interviewé Didier K. Muamba, expert et conseiller en économie sociale. Il travaille comme analyste financier chez RISQ — Réseau d’investissement social du Québec —, et fait partie de notre Conseil d’administration au FEMontérégie. Voici ses réponses à nos questions :
Qu’est-ce qu’une entreprise d’économie sociale ?
Une entreprise d’économie sociale est une entreprise collective qui vise, avant tout, à répondre aux besoins de ses membres ou de sa communauté en opérant une activité marchande sans prétendre à un gain pécuniaire pour ses membres, c’est-à-dire que celle-ci n’a pas de but lucratif. L’entreprise d’économie sociale doit être socialement rentable (bénéfices pour la société) et économiquement viable (viabilité de ses activités marchandes qui lui permettent de vivre longtemps afin d’accomplir sa mission sociale).
Au Québec, on a la loi sur les entreprises d’économie sociale qui reconnait les formes juridiques suivantes comme entreprises d’économie sociale : des mutuelles, des OBNL et des coopératives. En général, les entreprises qui opèrent en économie sociale sont des OBNL ou des coopératives.
Qu’est-ce qu’un OBNL ?
Un organisme à but non lucratif (OBNL) vise à répondre à un besoin de la communauté par ses services. Il cherche à résoudre des problèmes qui affectent la communauté et qui peuvent être reliés à tous les domaines d’activité, par exemple, en lien avec l’employabilité, l’environnement, la promotion de la culture et des arts, entre autres. Dans le cas du Fonds d’Emprunt Montérégie, qui est un OBNL, son service correspond aux prêts, dont les intérêts générés sont réinjectés dans l’accomplissement de sa mission de soutenir les entrepreneurs de la Montérégie en situation financière précaire.
Tout OBNL est une entreprise d’économie sociale ?
Non, parce qu’il existe des OBNL qui ne font pas d’activités marchandes et qui vivent seulement des subventions et des dons grâce auxquels ils peuvent se permettre d’offrir tous leurs services gratuitement.
Y a-t-il des différences entre les OBNL et les OSBL ?
À la base, lorsqu’on parle d’un organisme sans but lucratif (OSBL) et d’un organisme à but non lucratif (OBNL), on parle du même type d’organisation, c’est, en effet, un synonyme. Cependant, dans le cas des entreprises en économie sociale au Québec, il y a une tendance à utiliser plus fréquemment le terme OBNL : quand on utilise le terme OSBL, on dit « sans but lucratif », et les gens supposent que l’organisation ne fait pas d’activités marchandes. Ceci porte à confusion, vu que ces organisations développent des activités commerciales même si le but n’est pas de s’enrichir, sinon de faire bénéficier la communauté en réinvestissant les gains.
Qu’est-ce qu’une coopérative ?
La coopérative est une association de personnes dont le besoin commun déterminera la mission, et la façon de répondre à ce besoin correspondra à l’activité économique. Par exemple : si le besoin des membres de la coopérative est de réduire les coûts de production, on va donc créer une coopérative de producteurs ; ou si le but est de faire baisser les coûts des assurances, une coopérative de consommateurs pourrait être constituée. En bref, la coopérative est une association de personnes physiques ou morales ayant des intérêts communs et qui exploite une ou des activités économiques dans le but de satisfaire au besoin de ses membres. Elle est fondée sur des valeurs, entre autres, d’équité, de solidarité… et gérée de manière démocratique.
Quelle est la différence entre coopérative et OBNL ?
La différence, c’est en ce qui concerne la gouvernance et la propriété : la coopérative appartient à ses membres, qui y ont adhéré individuellement et qui ont souscrit à des parts sociales (parts de capital), ce qui veut dire que chaque membre achète un droit d’adhésion à la coopérative, devenant ainsi en partie propriétaire de l’entreprise.
Quant à l’OBNL, il n’y a pas de part sociale qui est demandée, la propriété reste donc collective, ce qui veut dire qu’elle n’appartient à personne. L’OBNL peut néanmoins demander des cotisations à ses membres, mais ce n’est pas une obligation.
L’OBNL ne répartit pas des surplus (profits) à ses membres. Tandis que si la coopérative fait des excédents (profits), elle peut répartir ces excédents à ses membres en accordant des ristournes. Soit en baissant les prix ou soit en les rémunérant selon les transactions faites par chaque membre avec la coopérative.
Combien de personnes sont nécessaires pour former un OBNL ou une coopérative ?
La forme juridique des organismes à but non lucratif est régie par la partie 3 de la Loi sur les compagnies, qui exige un minimum de trois personnes pour créer un OBNL. De son côté, la forme juridique des coopératives est régie par la Loi sur les coopératives et leur composition est déterminée selon le type de coopérative : de travailleurs, minimum de 3 personnes ; de producteurs et de consommateurs, minimum de 5 personnes ; de solidarité, minimum de 5 personnes incluant au moins 2 types de membres soient utilisateurs, travailleurs ou de soutien.
Pourquoi les entreprises d’économie sociale sont-elles importantes ?
Les entreprises d’économie sociale constituent le troisième pilier du développement économique d’une société, les deux premiers étant l’état ou gouvernement, et le secteur privé. Tous les besoins qui ne sont pas couverts par ces deux premiers piliers sont pris en charge par la communauté, en partie, en forme d’entreprise d’économie sociale. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon le Chantier de l’économie sociale, il existe aujourd’hui au Québec « 11 200 entreprises collectives, qui cumulent ensemble un chiffre d’affaires de 47,8 milliards de dollars et emploient près de 220 000 personnes ».
D’ailleurs, les décisions à l’intérieur de ces organisations sont prises démocratiquement par le collectif de personnes à travers un conseil d’administration, par exemple, ce qui bonifie leur pérennité. Il a été observé que les entreprises d’économie sociale ont une durée de vie plus longue que les entreprises privées, ce qui s’explique par leur ancrage dans leur milieu ; elles sont bien soutenues par la communauté ou l’écosystème, et ont une capacité de mobilisation importante.