Le Bail Commercial : une affaire de taille
Souvent entouré de fausses croyances ou de confusions qui sont comprises parfois trop tard, le bail commercial est un élément stratégique qui peut être à la base de la croissance ou de la stagnation d’une compagnie. Un entrepreneur bien informé ne prendra jamais à la légère les décisions ni les actions qui mènent à la location d’un local commercial, puisque celui-ci devrait toujours correspondre, dans la mesure du possible, aux objectifs et aux besoins de l’entreprise.
En vue de notre séance Lunch & Learn sur le Bail Commercial demain, nous nous sommes entretenus avec Marie-Pier d’Auteuil, avocate et fondatrice de Les barniques juridiques, une entreprise offrant des formations accessibles et concrètes qui répondent aux besoins juridiques des entreprises québécoises.
Étant elle-même une entrepreneure spécialisée en droit des affaires à la tête de son propre cabinet d’avocats pendant des années, elle a décidé de convertir son expertise en vraie passion. Marie-Pier a passé de l’accompagnement des dirigeants des petites et moyennes entreprises au partage de ses connaissances à travers la formation des entrepreneurs.
Voici donc ses réponses à nos questions dont plusieurs seront approfondies et expliquées en détail aux entrepreneurs de la Montérégie pendant notre formation gratuite ce 30 novembre 2023 :
Qu’est-ce qu’un bail commercial depuis le point de vue légal ?
Un bail commercial, c’est un contrat de location pour un local commercial. C’est un contrat entre deux entreprises ou du moins entre le propriétaire et une entreprise.
Quelle est la loi qui régule les baux commerciaux au Québec ?
La loi de base commune à tous les baux commerciaux à travers la province, c’est le Code civil du Québec. Il y a néanmoins d’autres lois particulières qui peuvent venir s’appliquer selon le cas. Entre autres, une entreprise qui souhaite louer un local devrait se poser des questions par rapport au zonage. Là, ce sont les règlements municipaux, propres à la ville où la compagnie veut s’installer, qui vont être essentiels à garder en tête.
Pourquoi est-il important d’avoir un bail commercial ?
Malgré le fait que le bail commercial n’a pas à être écrit, c’est-à-dire qu’on peut conclure un bail verbalement, c’est mille fois mieux d’en avoir un parce que ça clarifie la relation. Ainsi, en cas de conflit, si l’on a des problèmes juridiques concernant la preuve, cela va être plus facile avec le bail écrit qui laisse une trace.
Et, à mon avis, cela démontre qu’il s’agit d’une transaction plus sérieuse : si je suis un entrepreneur qui souhaite louer un local et qu’on ne me présente pas d’écrit, soit un contrat en bonne et due forme, cela peut parfois démontrer un manque de professionnalisme de la part du locateur et nous aiguiller sur le type de relation qui s’en suivra. Même si la loi prévoit que cela peut être verbal et que, par conséquent, le propriétaire n’est pas en faute, avoir au minimum un contrat par écrit fait partie de bonnes pratiques.
Cependant, si après coup, on modifie des choses verbalement ou qu’on s’entend sur d’autres questions et qu’il n’y a pas de courriel ni des traces écrites ni de témoins ni de personne qui est au courant… c’est là que s’il advient un problème, c’est la parole d’un contre l’autre.
Quels seraient les aspects à vérifier avant de signer un bail ?
Les aspects les plus déterminants à examiner seraient…
- L’identification du locateur ;
- Les activités permises ;
- Le prix ;
- L’entretien, les réparations et les améliorations locatives ;
- La durée ;
- La responsabilité personnelle ;
- Les façons de mettre fin au bail.
Est-ce que cela serait toujours pertinent de faire vérifier le bail commercial par son avocat avant de signer ?
Oui, absolument. Le bail gagnerait à être vérifié par un conseiller juridique, qui peut être un avocat ou un notaire puisque les deux ont l’expertise et le droit d’offrir des conseils juridiques. Cela peut être très bien l’un ou l’autre à ce stade-ci (avant la signature). L’important est de choisir un professionnel qui exerce dans le droit des affaires ou qui a des connaissances là-dedans et c’est sûr qu’avant de signer, c’est le meilleur moment.
Connais-tu des cas où la signature d’un bail commercial ou la location d’un local commercial a mal tourné ?
Oui, j’en ai plein ! Il y a par exemple le cas d’un professionnel qui a loué un local commercial par l’intermédiaire d’un courtier immobilier et qui l’a par la suite complètement rénové en investissant beaucoup d’argent pour l’aménager. Quelques mois plus tard, la ville l’a poursuivi parce qu’il n’avait pas le droit d’établir son bureau à cet endroit-là.
Cette personne ne se trouvait pas alors dans le bon zonage. Un aspect que l’entrepreneur devrait toujours vérifier vu que le propriétaire va souvent décharger la responsabilité sur le locataire (il pourrait rassurer le locataire en disant que c’est correct, même si ce n’est pas nécessairement le cas).
Ici, on avait également un courtier immobilier qui connaissait en principe comment cela fonctionnait, mais ça n’a pas fait une différence. Finalement, le locataire a dû se relocaliser… retrouver une autre place, refaire les rénovations et repartir à zéro. Beaucoup de temps et d’argent perdus en raison de quelque chose qui est vraiment de base.
À part le zonage, y a-t-il d’autres règlements à considérer selon la ville où l’on veut s’implanter ?
Oui, cela dépend du secteur. J’ai eu, par exemple, un client qui dirigeait une compagnie de transport offrant un service d’entreposage à leurs clients, ainsi que le transport des matières dangereuses. Là, on tombe dans des lois très spécifiques à ces matières-là.
C’est du cas par cas, car le type d’opération, l’industrie et la ville exercent une influence sur les lois et les règlements à vérifier ou pas. Il faut aussi tenir compte des règles municipales, provinciales et fédérales.
Quelles sont les principales erreurs commises par des entrepreneurs lors de la signature d’un bail commercial ?
- Surprenant, mais très courant : ils ne lisent pas ! On ne le dira pas assez : on ne signe pas un document qu’on comprend à moitié ou qu’on n’a pas lu. L’incompréhension de ce que les gens lisent est aussi avec fréquence à la source des erreurs.
- Ils agissent en suivant de fausses croyances qu’on entend régulièrement, par exemple : « J’ai juste à donner un préavis de trois mois et je vais pouvoir mettre fin au bail commercial ». La majorité des clients que j’ai eus avaient cette croyance, des idées erronées dont l’origine est un manque de clarté par rapport au bail de logement (résidentiel). En réalité, le bail commercial est beaucoup plus souple, ce qui fait que le locataire soit moins bien protégé qu’en matière de logement. Puisqu’on considère que ce sont deux entreprises qui font affaire ensemble d’égal à égal, il y a beaucoup de liberté contractuelle entre eux.
- Ils font trop confiance : lorsqu’un entrepreneur qui loue un local commercial par la première fois fait face à un propriétaire expérimenté qui maitrise l’immobilier et les lois, son manque de connaissances va souvent le mener à se laisser guider par le propriétaire, qui va faire fréquemment ce qui lui convient selon ses intérêts. Et c’est là qu’il devient pertinent d’être bien accompagné par un conseiller juridique qui va attirer ton attention vers les aspects qui devraient être négociés.
Prenons le cas de l’une de mes clientes qui avait une clause de résiliation qui disait qu’elle pouvait mettre fin au bail avec un avis de quelques mois, et le propriétaire aussi. Elle était contente de ça… et je lui ai demandé : « As-tu réalisé que tu vas investir des milliers de dollars dans ton local et que ton propriétaire peut t’envoyer un préavis de trois mois et te dire, là, c’est fini, tu t’en vas ? »
Y a-t-il des variables externes qu’on devrait vérifier avant de signer un bail ?
Oui, il y en a certainement plusieurs. Mais, dans le contexte actuel, il est important de mentionner qu’il y a beaucoup de fraudes, comme des gens qui vont afficher un local (souvent beau, bien situé et pas cher) sur des sites de petites annonces. Or, le local n’existe pas ou ils n’en sont pas les propriétaires. Ce sont des arnaques où l’on demande un dépôt pour les premiers mois de location ou même un paiement pour visiter et voir le local en raison de « la haute demande ». Ensuite, cette personne disparait et il est impossible de se faire rembourser.
Au minimum, il est important de vérifier si le local existe réellement et si la personne avec qui l’on traite est vraiment la personne autorisée. En faisant attention aux signes d’alarme qui s’accumulent et qui sont d’ailleurs très éloquents, on pourrait s’éviter des troubles : Quelqu’un qu’on ne rencontre jamais face à face, c’est super compliqué de l’appeler, c’est tout le temps lui qui vient vers moi et des annonces affichées seulement sur certains sites. Et malgré toutes les vérifications, à la fin de la journée, on peut se faire avoir quand même.
Est-il possible de mettre fin à un bail commercial avant sa date d’échéance ?
D’abord, il faut s’assurer que le locateur autorise la cession ou la sous-location du bail. Autrement dit, si en cours de chemin ça ne fait plus mon affaire, il faut garder la possibilité de transférer le bail à quelqu’un d’autre. Dans le bail commercial, ce n’est pas automatique comme dans le bail résidentiel. C’est même possible que ça soit interdit ou qu’il ait des conditions.
Il est aussi essentiel de s’assurer d’avoir des mécanismes de sortie comme une clause qui dit qu’on peut mettre fin à son bail avec un préavis de « X » temps.
En bref, en matière de bail commercial tout est négociable. C’est pourquoi il n’y a jamais un contrat de location pareil et qu’il peut en exister un d’une page et un autre de 70. Cela dépendra de différents facteurs : le type de propriétaires (si c’est des gros, ils vont être souvent plus rigoureux là-dessus), le secteur d’activité, etc. Et il ne faut pas nécessairement craindre les contrats longs. Certains sont bien faits et compréhensibles, tandis que de courts contrats peuvent s’avérer confus et mal faits.
Le bail commercial est en conclusion un élément à ne pas négliger
S’il est cohérent avec votre plan d’affaires, le bail commercial peut contribuer à l’atteinte des objectifs stratégiques de votre compagnie. À condition qu’on ne laisse rien au hasard quand il s’agit d’une location comportant, entre autres, une grande surface, des améliorations locatives, des travaux majeurs ou de la machinerie, soit des investissements coûteux ou des risques accrus.
Si on loue, en revanche, un bureau tout inclus (chauffé et éclairé) et l’on y travaille avec un ordinateur portatif par exemple, c’est beaucoup plus simple. Cependant, même si les enjeux sont moins importants, il est dans l’intérêt de l’entrepreneur de s’en informer adéquatement.
Formation Bail Commercial : Quoi savoir avant de s’engager
En plus des sujets mentionnés ci-dessus qui seront expliqués plus amplement, ne ratez pas les points suivants qui seront décortiqués par notre experte invitée Me Marie-Pier d’Auteuil lors de notre formation demain sur le bail commercial :
- Les différences entre le bail commercial et le bail de logement ;
- Les catégories de baux commerciaux : brut, net, double net, triple net ;
- Le processus contractuel : étapes avant de conclure le contrat final et documents à signer
- Distinction entre la lettre d’intention, l’offre ou la promesse de location, et le bail.
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